LA RESILIENCE, UN PARCOURS EN TROIS ETAPES

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Plus qu’une capacité de résistance, c’est une volonté de réagir positivement, de construire un modèle qui va renforcer la confiance en soi et son estime personnelle. C’est aussi d’essayer d’être toujours optimiste, de voir les bons côtés des choses tout en trouvant un sens à sa vie avec des buts clairs.

La résilience est la capacité à vivre, réussir, se développer en dépit de l’adversité. C’est une combinaison de forces intérieures, d’appuis extérieurs et d’apprentissage à partir de l’expérience acquise. C’est donc revenir à un équilibre dynamique suite à un traumatisme.

Le traumatisme, c’est la crise sanitaire que nous connaissons en 2020. Encore sous le choc provoqué par le coronavirus, le monde ne se remet pas encore des méfaits économiques de cette crise. Pour autant, le coronavirus avait déjà frappé,  sous le nom de « grippe russe » en 1890,  il a duré trois ans et fait un million de morts à travers le monde. Rappelons qu’à l’époque, on ne circulait pas en avion et il n’y avait pas de vaccin.

Alors, des crises sanitaires, le monde en a déjà connu plusieurs, à peu près une par siècle. Grandes pestes, choléra ou grippe espagnole, elles ont toujours été accompagnées d’une crise économique et sociale remettant en cause les mécanismes du passé. Il est certain qu’il en sera de même cette fois-ci et à chaque fois trois phases distinctes semblent favoriser la reprise.

Résistance

D’abord, celle de la «résistance». Elle consiste dans l’urgence à faire face à l’adversité en cherchant à réduire les impacts en fonction des ressources immédiatement mobilisables. Après un déni plus ou moins rapide, on prend conscience qu’un choc qui semblait jusqu’alors peu probable nécessite désormais de naviguer à vue. On est dans l’urgence, et l’immédiateté prend le pas sur l’anticipation.

 Acculées, les entreprises réduisent la voilure pour limiter la casse ; certaines mettent leurs employés au chômage partiel, d’autres renégocient leurs contrats, arrêtent les voyages d’affaires, retardent les commandes ou attendent la dernière minute pour payer leurs factures, mais toutes réduisent leur cadence. Elles prennent conscience plus que jamais de la limite de leurs ressources et de leur dépendance fragile mais inéluctable à l’environnement qui les entoure. Rares pourtant sont celles qui se figent. Mues par un instinct de survie, elles cherchent à rebondir et font émerger de la difficulté une nouvelle force créative.

Je prendrai pour exemple les entreprises qui, ayant un outil de fabrication à l’arrêt, se sont reconverties pour fabriquer des masques de protection, du gel et des parois en plexiglas pour installer dans les lieux de contacts. La résistance est ainsi une phase de réponse immédiate à la crise qui apporte des solutions qui n’auraient probablement jamais émergé sans elle. Mais qui reste pour nombre d’entreprises, difficile à poursuivre sans soutien.

Remise à zero (reset)

L’entreprise se façonne une nouvelle «proposition de valeurs» au regard de la crise et de sa force de résistance. Pour les plus solides, on passe à la phase de «reset». Sans pour autant être sorti de crise, on peut reprendre un temps son souffle. On consolide, on repense la chaîne d’approvisionnement, localisation de la production,… ; et en termes de commercialisation on accentue les solutions digitales, la livraison à domicile. Le management des équipes prend également une nouvelle forme avec le travail à domicile avec ses avantages et inconvénients.

A ce sujet, nous relèverons que le télé travail est l’un des facteurs associés à une plus forte anxiété (les autres facteurs étant : sexe féminin, âge inférieur à 50 ans, situation financière difficile, être parents d’enfant de 16 ans et moins, avoir un proche ayant des symptômes évocateurs du COVID-19, perception du COVID-19 comme une maladie grave, mauvaise connaissance des modes de transmission du virus, se sentir peu capable d’adopter les mesures préconisées et avoir peu confiance dans les pouvoirs publics).

Une enquête de la Santé Publique/BVA  a été conduite afin de permettre de suivre l’évolution de l’adhésion des Français aux mesures de prévention et d’évaluer la prévalence de troubles psychiques (en particulier anxio-dépressifs) au sein de la population et d’identifier les segments de population les plus vulnérables pendant cette période. Lors de la première vague d’enquête menée du 23 au 25 mars plus d’un quart (27%) des répondants de l’échantillon ressentaient un état d’anxiété. Si le niveau d’anxiété de la population a diminué entre la 1ère et la 2nde vague d’étude, il reste cependant nettement supérieur (22%) à celui observé en population générale en 2017 (13,5%).

En observant l’environnement économique et social, nous observons une prise de conscience des forces qui ont émergé dans l’adversité, dont certaines peuvent être mises au profit d’autrui : capacité d’innovation nouvelle, force collaborative, partage des ressources en sont des exemples. Une solidarité s’installe, un besoin de rassembler, d’être utile. On définit un nouvel horizon, on entrevoit de nouvelles perspectives et on cherche à reconstruire reconstruit un nouveau modèle, lentement mais sûrement. Ce reset ne repart pas de zéro : l’entreprise rebondit grâce son expertise passée, sous l’influence immédiate de son environnement et de sa nouvelle expérience.

3ème phase : la relance

Puis, vient la phase tant attendue de «relance», celle qui paraissait si lointaine en phase de résistance. C’est la phase qui va « panser » la crise pour mieux « penser » l’avenir. On prend le temps d’analyser plus finement son modèle d’affaires au regard d’un environnement économique et social qui a drastiquement évolué. Il faut faire preuve d’un maximum de malléabilité cognitive : on s’inspire de l’histoire pour tenter de ne pas reproduire les mêmes erreurs ; les démarches prospectives se multiplient, on imagine des futurs souhaitables et la manière de les rendre possibles ; on débat des fragilités du passé que l’on ne veut plus rencontrer, on conceptualise un monde idéal qui doit émerger. Cette phase nécessitera de mettre en place un processus d’innovation nouveau, qui tiendra compte de tous les changements écologiques, sociétaux et technologiques, car il ne sera plus possible de faire simplement comme avant. Il faut programmer un nouveau « logiciel » de pensée, de management et de production. On ne repart pas d’une feuille blanche… mais presque.

Une nouvelle économie émerge avec de nouvelles règles et de nouveaux acteurs. Dans cette nouvelle ère qui s’annonce, où  toute l’ interdépendance des acteurs aux flux logistiques et informationnels seront revus, les consommateurs, les entreprises et les institutions étatiques seront toujours impliqués mais de manière différentes. L’opposition au monde d’avant et le mode d’après ne s’opposeront pas mais nous auront plutôt une évolution de notre société et de son économie comme cela se fait depuis des siècles.

 

Sources :

  • Harvard Business Review, 06/2020, article de Xavier Comtesse, PhD en informatique de l’université de Genève et doté d’un master en mathématiques,  et Mathias Baitan, membre du corps professoral à la Haute Ecole de Gestion de Genève (HEG) – University of Applied Sciences and Arts (HES-SO). Directeur du diploma of advanced studies résilience et santé organisationnelle, HR/OD advisor dans le domaine tertiaire. Ph.D, docteur ès sciences économiques et sociales de l’université de Genève.
  • Agence Nationale de Santé Publique France, 12/2020, « Covid19 : une enquête pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidemie ».
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